HOMMES, DIEUX et SCIENCE, 7,

L’Orphisme,

 

Les religions révélées enfoncent leurs racines dans les sociétés de la très haute antiquité.

C’est vers 6 500 ans que les hommes s’installent en Grèce, c’est-à-dire 3 500 ans après la dernière glaciation de Würmienne.

Au VIIIème siècle, Hésiode, dans sa « Théogonie », pose les bases d’un polythéisme structuré pyramidalement, dans lequel Zeus occupe le sommet. Les dieux sont à l’image de l’homme, avec leurs qualités et leurs défauts.

L’orphisme est un mouvement religieux qui s’est développé en Grèce à partir du VIe siècle avant J.C.

Il aurait été instauré par Orphée, un héros légendaire de la mythologie grecque, fils du roi de Thrace Oeagre et de la muse Calliope. Comblé de dons multiples par Apollon, ses chants et les accents de sa lyre charmaient tous ceux qui l’écoutaient, y compris les animaux sauvages.

Sa femme Eurydice, qui était une dryade (nymphe des chênes), s’enfuyant pour repousser  les avances du berger Aristée, fut mordue au mollet par un serpent venimeux. Elle succomba et descendit aux enfers. Fou de douleur, Orphée décida de l’arracher au royaume des morts. Grâce à sa musique, il parvint à endormir Cerbère, le chien à trois têtes, qui en gardait l’entrée. Il réussit, ensuite, à convaincre Hadès de le laisser repartir avec sa bien-aimée. Toutefois, la condition était qu’en aucun cas il ne devait se retourner avant d’avoir rejoint le monde des vivants. Hélas, inquiet de savoir si Eurydice le suivait, il se retourna, et celle-ci disparut à tout jamais. Inconsolable, Orphée erra longtemps jusqu’à ce qu’il fût surpris et dévoré par les Ménades.

Cette histoire traduit bien la toute-puissance du dieu et l’irréversibilité de la mort. Nul ne peut échapper au royaume des morts.

L’orphisme fut une religion parallèle au polythéisme en vigueur. Il tend vers le monothéisme car il fait de Zeus le créateur du monde ; d’autre part, la création de l’homme met en jeu un drame originel qu’il devra expier à tout prix.

En effet, l’homme est né d’un meurtre : les Titans ont tué le jeune Dionysos et l’ont dévoré. Horrifié, Zeus les foudroie et de leurs cendres naissent les hommes.

L’âme de ces derniers a été enfermée dans des corps mortels pour expier le péché originel. Elle devra être purifiée. Pour cela, elle s’incarnera à nouveau dans un corps d’homme ou d’animal. La qualité de chaque réincarnation dépendra de la vie précédente (analogie avec le Karma du Bouddhisme. Après le jugement, le juste prendra la route de droite, son âme ne se réincarnera plus et deviendra immortelle (analogie avec le Nirvana). Celui qui a mal vécu empruntera la route de gauche et devra affronter de nouveaux périls. Le cycle des réincarnations pourra être brisé par une vie d’ascétisme impliquant l’extase, la chasteté et un régime végétarien pour ne pas manger l’âme d’un proche.

L’orphisme aura une influence considérable sur les grands courants de pensée et en particulier sur Pythagore et Platon qui prôneront la réincarnation et la réminiscence (lorsque on  apprend quelque chose, on ne fait que s’en souvenir).

Le christianisme naissant s’en inspirera fortement car l’orphisme était alors encore pratiqué. En effet, ce dernier tend vers le monothéisme et les premiers chrétiens voyaient en Orphée (mais aussi en Osiris) le précurseur du Christ.

On y retrouve le péché originel (meurtre de Dionysos) dont il faut se purifier, l’immortalité de l’âme, la résurrection, le paradis, l’existence supposée d’une autre vie dans l’au-delà, les prêtres mendiants, les missionnaires…

 

Le Mazdaïsme

 

Le Mazdaïsme, au même titre que l’Orphisme, est précurseur  du christianisme.

ZOROASTRE/ZARATHUSHTRA (-650-583 av. J.C.), la date et le lieu de sa naissance sont très controversés, est le père de cette religion qui prôna le monothéisme alors que le polythéisme prévalait.

Zarathushtra signifie « Astre d’or » ou « Celui à la lumière brillante ». Il fut cité dans les écrits grecs, sous le nom de Zoroastre.

Il est probablement né dans une riche famille d’éleveurs de chevaux (les Spitama) et exerça les fonctions de zoatar, c’est-à-dire celles d’un prêtre chargé des invocations et de l’oblation aux dieux archaïques aryens de l’ancienne Perse : Ahura-Mazda, Mithra, Anahita…

A l’âge de trente ans il se retira dans le désert pendant une dizaine d’années avec un seul disciple, son cousin Maidyômâha. A la suite d’une extase, il fut investi par Ahura-Mazda, créateur de toute chose, de la mission d’épurer les croyances qui étaient pratiquées. Il parcourut alors le pays en compagnie de nombreux disciples, les Mazdéens. Il semblerait que ces derniers, et donc lui-même, atteignaient l’extase par des moyens artificiels en absorbant du chanvre indien (c’est-à-dire du cannabis).

Il fit d’Ahura-Mazda (Seigneur juste et sage) un dieu unique, prohiba les sacrifices sanglants et mit en honneur le culte du Feu, manifestation visible de la divinité. Subordonnés au dieu unique, l’Esprit Saint (Spenta Mainyu) et L’Esprit du Mal (Angra Mainyu) étaient l’ébauche du dualisme du Bien et du Mal révélé à la conscience humaine qui  prendra toute son ampleur dans la religion chrétienne. Ahura-Mazda est le créateur du ciel, de la Terre et de l’homme, c’est lui qui donne la royauté aux souverains achéménides.

Mazda est assisté d’un esprit saint et des anges. Les âmes seront jugées au Jugement dernier: il y aura résurrection et Paradis où damnation et Enfer.

«  Je te proclame saint et puissant ô Mazda ;

Tu es fort de cette main par laquelle tu nous fais avoir ces biens

Que tu donnes au méchant comme au bon,

Par la chaleur de ton feu pur et fort,

Qu’ainsi me vienne la force du bon esprit.

 

Je t’ai reconnu l’esprit de vie, ô Mazda-Ahura,

Car je t’ai vu à l’origine, à la naissance du monde,

J’ai vu que, rétribuant les actions et les paroles

Tu donnes le Mal au méchant et la bénédiction sainte au bon…»

 

(Avesta, gâthâ ustavaiti, 4,5)

 

Zarathushtra avait une quarantaine d’années lorsque sa doctrine se répandit en Perse orientale. La conversion du roi Vîstâçpa, de la reine et des courtisans constitua une précieuse protection qui lui permit de prêcher sans subir les agressions de ceux qui étaient restés fidèles aux croyances antiques. Ils firent élever, dans tout le pays des autels et des temples du Feu.

Il institua une règle redoutable : tout ennemi de Mazda sera déclaré hérétique et ennemi du roi. Celui qui ne respectera pas la religion de l’Etat, sera un ennemi de l’Etat. Cette règle, unanimement adoptée par la suite, sera le fondement et le moteur des guerres de religion.

Cette nouvelle religion triompha ensuite dans toute la Bactriane, puis devint la religion nationale de tous les Perses. Les européens ne la découvrirent qu’au XVIIIe siècle grâce à Abraham Hyacinthe ANQUETIL-DUPERRON.

Zarathushtra fut l’auteur des Gâthâ soit dix-sept hymnes qui constituent la plus ancienne partie de l’Avesta, le livre sacré des Mazdéens.

Dans l’Avesta, les Mazdéens paraissent plus soucieux de se libérer des puissances du Mal (Dévas, Drujes) qui gèrent les pulsions animales que d’avoir une approche « scientifique » de l’Univers qui les entoure. Ils célèbrent le Bien et rejettent les forces du Mal. Les bons génies, le soleil, le feu et l’eau sont les forces purificatrices qui permettent à l’homme de bien d’honorer les commandements d’Ahura-Mazda. Il pourra alors ressusciter et acquérir l’immortalité de l’âme.

Ce sont les créatures du dieu, « les constituteurs, et les correcteurs, les formateurs et les directeurs, les protecteurs et les libérateurs »

« Qui restaurent le monde, le rendant immortel

Sans vieillesse, incorruptible, sans infection, toujours vivant,

Toujours prospérant, possédant la puissance à son gré,

Pour que les morts ressuscitent et que vienne l’immortalité de l’être vivant

Qui restaure le monde à souhait.

………………..

Ils deviendront immortels

Les mondes qui ont appris les enseignements de la pureté…

………….

Je n’ai point atteint la splendeur lumineuse

Qui appartient aux contrées aryaques

Existantes et non encore existantes… 

…………………

Zarathushtra demanda à Ahura-Mazda :

Lorsqu’un juste vient à mourir

Où son âme séjourne-t-elle cette nuit même ?

…………

Pendant cette nuit, l’âme goûte autant de joie que ce qu’en éprouve le monde vivant

…………

Lorsque la troisième nuit est écoulée et que la lumière commence à poindre,

L’âme de l’homme juste arrive au milieu des plantes.

Il lui arrive un parfum apporté par celles-ci…

 

L’âme du juste fait un premier pas et le pose dans le Humata

Elle fait un second pas et le pose dans le Hûkhta ;

Elle fait un troisième pas et le pose dans le Huvarsta

Elle fait un quatrième pas, l’âme du juste,

Et le pose au lieu des lumières sans commencement…

 

Lorsqu’un méchant vient à mourir

Où son âme séjourne-t-elle cette nuit même ?

 

Elle court autour de la tête en disant

Vers quelle terre me dirigerai-je, où fuirai-je ?

 

Cette nuit même cette âme subit autant de douleur que le monde vivant tout entier…

Lorsque la troisième nuit est écoulée, et que la lumière commence à poindre,

L’âme du méchant arrive dans des lieux d’horreur

Et une odeur infecte arrive jusqu’à lui…

L’âme du méchant fait le quatrième pas et s’arrête dans les ténèbres sans commencement

…………… »    (Avesta, Yests)

 

La notion d’un au-delà de lumière sera reprise par les Egyptiens (Hermès Trismégiste), puis par les chrétiens. La notion de lumière sans commencement remonte aux toutes premières civilisations (Sumer).

Le Humata ou « bien-pensé » désigne un lieu mythique situé à l’entrée du paradis mazdéen. Il y est accompagné du Hûkhta, le « bien-dit » et du Huvarsta, le « bien-fait ».