TRADITIONS ASSOCIEES AU SOLSTICE D’ETE

La Fête des Moissons au Hameau de Saint Véran, Beaumes-de-Venise

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Le calendrier romain de Jules César avait fixé :

– au 24 juin le solstice d’été (le VIII des calendes de juillet)
– au 25 décembre le solstice d’hiver (le VIII des calendes de janvier).

Ces dates étaient célébrées avec beaucoup de faste dans toute l’antiquité. Afin de christianiser ces fêtes païennes l’église décida que l’on célébrerait la naissance de Jean le 24 juin et celle de Jésus le 25 décembre.
La christianisation du solstice d’hiver, devenu Noël, a été parfaitement réussie : à la naissance de Jésus, le soleil, comme l’enfant, commence à croître, par contre, à la naissance de Jean, le soleil parvenu au plus haut de sa course décline et les jours diminuent.
Les traditions ancestrales liées au solstice d’été ont bien résisté à la christianisation, il est des racines qu’il est difficile d’extirper ! L’immémoriale célébration du solstice en est une.

Depuis, les données astronomiques ont définitivement fixé :

– au 21 juin le solstice d’été,
– au 21 décembre le solstice d’hiver.

Malgré cette réalité, on associe encore de nos jours la fête païenne et la fête chrétienne, car le soleil du solstice est indispensable à la vie des plantes tout comme l’eau sanctifiée par le baptême de Jean et assurent ensemble les récoltes indispensables à la vie des hommes.
Le soleil, règle le cycle de la végétation. Les plantes utilisent son énergie (photons) pour effectuer la photosynthèse, créer de la matière organique, du bois dont la combustion restitue de l’énergie sous forme de chaleur : le feu solaire a été apprivoisé en feu domestique par plante interposée. C’est ainsi que les feux du solstice sont devenus les feux de la St Jean. Comme le soleil par ses rayons, le feu symbolise par ses flammes la lumière, la fécondité et la purification. Le 24 juin on célèbre donc toujours la Saint Jean-Baptisteou Jean-le-moissonneur, lou meissounié, protecteur des récoltes : c’est le Saint le plus populaire en Provence.
Au solstice d’été le soleil est à son zénith : ce sont les jours les plus longs de l’année, per Sant Jan li journado soun d’an (à la St Jean les journées sont des années) : c’est le moissonneur qui le dit, car de l’aube au crépuscule la journée est accablante et interminable.

Au Pays d’Arles les moissons commencent traditionnellement le 24 juin. Dans ses mémoires F. Mistral nous parle d’un temps où les moissons se faisaient avec toutes les coutumes et l’apparat de la tradition antique.
« Au moment où les blés prenaient la couleur des abricots, un messager partait d’Arles et, courant les montagnes du pays gavot, de village en village, criait au son de sa trompe :
En Arle fan assaupre que li blad soun madur (en Arles, ils vous font savoir que les blés sont mûrs) »
Dès lors, les moissonneurs formaient des équipes ou souco rassemblées en troupes ou chourmo à la tête de laquelle se trouvaient le chef ou capoulié et l’intendant ou baile. Tous prenaient la route du pays d’Arles.
Marie Mauron se souvient des moissons de son enfance :
« Dès l’aurore, faux ou voulame à l’épaule, dans les charrettes brimbalantes les hommes, ceux du mas et ceux venus pour nous aider, s’en allaient vers le champ de blé. Les femmes qui lieraient les gerbes et les râteleuses n’étaient pas les dernières à monter dans les chars à bancs. Longtemps j’ai vu ce saint travail se faire à la faux seule, les moissonneurs rangés avançant en cadence sur un large front, les femmes javelant derrière, c’est-à-dire liant les gerbes avec une poignée d’épis…mes mains se souviennent encore de la brûlure de la paille et de la rudesse du nœud…que les gerbiers dressés en plein champ par les hommes étaient beaux, et eux, orgueilleux !…Les derniers chargements ramenaient les gerbes au mas. En Camargue, sur la dernière gerbe hissée, on égorgeait, rituellement, un coq blanc, sacrifice aux déités ! Il était ensuite accommodé pour le festin.

La Fête des Moissons au Hameau de Saint Véran, Beaumes-de-Venise

L’Académie de Beaumes de Venise organisa une Fête des moissons « à l’ancienne » trois années consécutives : 1993-1994-1995.
Cette fête nécessitait des outils hippotractés adaptés et des compétences que les anciens eux-mêmes eurent du mal à retrouver. Nous fîmes appel à des passionnés de Monteux : monsieur Jean vint avec deux superbes comtois très bien attelés en couple, messieurs Augias et Chaléas fournirent des harnachements et sollicitèrent deux autres montiliens propriétaires de « gros culs ». Philippe Jean Coulomb, qui eut des chevaux pendant 25 ans, répara, graissa et briqua, avec ses amis de l’Académie, un superbe ventaire, un brabant, un coutrier, un rouleau, un râteau et une charrette à foin. La plus spectaculaire et celle qui nous donna le plus de fil à retordre fut la moissonneuse-batteuse-lieuse. Malgré son état de conservation remarquable. Nous fûmes cinq pour la mettre en état de marche : trouver la ficelle adaptée à la lieuse, mettre le tapis dans le bon sens, graisser tous les rouages et faire fonctionner les éjecteurs de bottes de paille. Bref, le jour J tout fonctionna à merveille : les comtois qui n’avaient jamais tiré un tel engin n’eurent pas peur et firent preuve d’un remarquable courage. Tous les anciens, saisis par la nostalgie du souvenir, avaient la larme à l’oeil ! La batteuse éjectait les bottes avec la régularité d’un métronome, elles furent réunies en faisceaux, puis chargées à l’aide de fourches en bois sur la grande charrette bleue qui les transporta sur l’aire. Là, les chevaux piétinèrent les gerbes pour faire tomber les grains, un cheval tira le rouleau, puis le menu fut ventilé au ventaire.

Après un casse-croûte bien mérité arrosé d’un gros rouge, les deux comtois furent attelés au brabant et la terre fumante s’ouvrit comme un fruit mûr. Une charrue à treuil fut même essayée avec succès.
Le matin, un défilé de vieux tracteurs, dont la palme revint sans conteste à un monocylindre asthmatique, anima le hameau de Saint Véran. Enfin, un banquet digne d’Astérix réunit, sous une bâche agitée par le Mistral, plus de deux cents convives dans un verger d’olivier. André Chiron, notre célèbre barde, nous offrit pour le dessert un bouquet de chansons provençales.