Quels vœux pour 2021 ?

 

En tant qu’universitaire scientifique biologiste, voilà 40 ans que j’entends mes collègues pousser des cris muets, car inaudibles par les décideurs politiques et économiques, pour dénoncer les périls encourus par notre belle planète bleue, polluée, asphyxiée, échauffée, par un animal prédateur-extrême qui, après avoir éliminé la plupart des autres espèces, s’est mis à pulluler tel des lemmings au point de s’autodétruire avec une imbécile et affligeante application : l’homme !

A l’Université j’avais pris connaissance de résultats obtenus par un laboratoire interdisciplinaire de chercheurs de Cambridge qui travaillaient sur les impacts de l’homme sur la Terre, ce laboratoire était dirigé par le professeur Stephen Emmot qui avait eu l’idée de traduire les cris muets en écrits chiffrés annonçant l’irréversibilité du mécanisme d’autodestruction en cours.

Convaincu par ses travaux, dans un élan irrésistible j’entrepris alors, chiffres et photographies consignés sur Power Point, une série de conférences portant exclusivement sur les effets des pesticides en agriculture.

J’avais même, en tant que Président de la Commission Consultative sur le Principe de Précaution (CICPP), clôturé un colloque d’Andrologie à l’Unesco à Paris le 13 avril 2002, qui traitait des effets des dits pesticides sur la spermatogenèse des agriculteurs et sur les malformations engendrées sur les organes sexuels de leurs fils.

Les débats témoignèrent immédiatement de l’incroyable intérêt de la société civile vis-à-vis des dangers encourus, mais, épuisé et totalement écœuré par la surdité et la mauvaise foi de certains hauts responsables, après deux années de débats, j’ai décidé d’arrêter ma tournée de conférences, sous peine d’y perdre ma santé.

Nous voici à l’aube de 2021 : tout a empiré.

Aussi, il serait de ma part hypocrite de vous souhaiter une bonne et heureuse année, suivant la formule consacrée, et, si le cœur y est, la raison ne peut honnêtement le suivre.

Aussi, ai-je décidé de vous citer quelques chiffres puisés, entre autres, dans le rapport du professeur Stephen Emmot, jugez-donc par vous-même !

Le phénomène humain

Depuis des millions d’années des millions d’espèces ont colonisé notre planète : une seule a dominé les autres, « Ecce homo » : voici l’homme !

Il y a 10 000 ans nous étions 1 million d’hommes sur notre planète,

Il y a 200 ans (sous Napoléon) nous étions 1 milliard,

En 1960, 3 milliards,

Actuellement nous sommes 7 milliards,

A la fin du siècle nous serons 10 milliards !

Au cours des 12 dernières années, la Terre s’est peuplée d’1 milliard d’êtres humains supplémentaires !

Pourquoi ?

4 Révolutions ont transformé la planète :

  • La Révolution verte Agricole,
  • La Révolution intellectuelle scientifique,
  • La Révolution industrielle,
  • La Révolution de Santé Publique.

Toutes ces Révolutions ont entrainé une évolution constante de l’équation suivante :

Nourriture + Santé + Technologie = augmentation exponentielle de la population humaine.

Mais, l’augmentation exponentielle de la population implique une régulation de celle-ci (impensable à réaliser actuellement par les gouvernements de la planète !) et la demande en nourriture va doubler d’ici 2050 !

Ruée vers les terres arables encore disponibles

D’où des conglomérats de fonds spéculatifs basés en Chine, Arabie Saoudite, Qatar, Norvège, France, Royaume-Uni, Allemagne, Indonésie et Etats-Unis qui achètent d’immenses étendues de terres en Afrique, Asie et Amérique du Sud, afin d’exploiter le bois, d’extraire des métaux, minerais, terres rares, phosphates ou défricher pour réaliser élevages et cultures intensifs.

50 millions d’hectares (équivalent à la moitié de la superficie de l’Europe occidentale) ont déjà été vendus à des entreprises et des gouvernements étrangers, contribuant ainsi à l’extinction de 31% des amphibiens, 21% des mammifères et 13% des oiseaux.

L’humain a donc causé l’extinction de vie la plus massive depuis l’évènement qui a anéanti les dinosaures il y a 65 millions d’années !

Selon nos paléontologues, il s’agit de la sixième extinction massive sur notre Terre et elle est due à l’homme !

Réchauffement de la Planète

Depuis 1998 on a enregistré les 10 années les plus chaudes.

L’accumulation de Co2, de méthane (fonte du permafrost sibérien), la fonte de la calotte glacière et des glaciers, le trafic aérien, celui des automobiles et surtout le maritime…entrainent une modification du climat qui en principe permet la vie sur Terre grâce à 4 éléments  fondamentaux :

  • L’atmosphère (l’air que nous respirons)
  • L’hydrosphère (l’eau de la planète)
  • La cryosphère (calotte glacière et glaciers)
  • La biosphère (plantes et animaux)

A cela il convient d’ajouter : l’urbanisation et la macadamisation intensives, les pollutions chimiques (industrielles, agricoles, trafics de toutes sortes…)

L’Eau

Il y a 100 ans, la consommation d’eau était de 600 kilomètres cubes par an,

Aujourd’hui, elle s’élève à 4 000, en 2025 elle s’élèvera à 6 000 !

La consommation d’eau augmente deux fois plus vite que ne croît la population !

Chez les pays riches, on ne mange plus pour vivre, mais on vit pour manger…et boire de l’eau virtuelle (eau utilisée pour fabriquer de la nourriture).

Ainsi, par exemple, il faut 3 000 litres d’eau pour produire un hamburger. Aux U.S.A. 14 milliards de hamburgers ont été consommés en 2012, soit 42 trillons de litres d’eau en une seule année…

Il faut 27 000 litres d’eau pour produire 1 kilo de chocolat, 100 litres pour produire une tasse de café, 4 pour produire une bouteille en plastique ; 3 milliards de puces électroniques semi-conductrices (pour téléphones, ordinateurs…) ont été produites en 2012 représentant 200 milliards de litres d’eau.

Le Groenland et l’Antarctique perdent 475 milliards de tonnes de glace chaque année.

Pétrole et Gaz

L’océan Arctique libère ainsi d’énormes quantités de gaz méthane à effet de serre : pour la première fois, on a détecté plus d’une centaine de nuages de méthane d’un kilomètre de diamètre sur la Sibérie engendrant d’immenses incendies.

On peut toujours former des vœux pieux pour que s’accomplisse la transition énergétique écologique, mais, contrairement à ce que l’on peut lire parfois, il reste encore d’énormes réserves de gaz et de pétrole à exploiter…par les pétroliers !

Citons 3 exemples :

  • en 2012, la compagnie américaine Exxon Mobil a signé, sous Barak Obama, un contrat avec la Russie de 500 milliards de dollars pour exploiter le pétrole dans la mer de Kara (océan Arctique).
  • Malgré l’impact désastreux et irréversible sur les sous-sols, l’exploitation des gaz bitumineux, « projet keyston» en Alberta au Canada, fournira, aux américains 1 million de barils par Jour !
  • Les britanniques viennent d’accorder 167 nouveaux permis de forage en mer du Nord !

La quantité de noir de carbone émise aujourd’hui, chaque année, est supérieure à celle produite pendant tout le Moyen-âge.

Les exportations des Etats-Unis vers la Chine ont doublé pour faire tourner des usines qui fabriquent des produits qui sont exportés ensuite de Chine vers l’Amérique pour leur propre consommation !!!!!!!!!!!

Le nombre de véhicules à moteur atteindra 4 milliards dans les 40 prochaines années.

La consommation et la pollution s’emballent.

On ne respire plus à Pékin, Mexico, New York, Paris…l’espérance de vie dans les grandes zones urbaines a déjà diminué d’une dizaine d’années…

Nous transformons de façon radicale chaque élément du cycle mondial du carbone. Nous avons créé un monde inconnu aux réactions imprévisibles : personne ne veut endosser la responsabilité, mais tout le monde veut en profiter !

L’Agriculture

D’ici 2050, 70% des humains vivront dans des villes.

Le système agricole actuel ne permettra pas de nourrir 10 milliards d’habitants. A ceci trois raisons majeures :

  • Le changement climatique va affecter les récoltes et la résistance des plantes cultivées,
  • La dégradation et la désertification des sols vont s’accentuer. Avec la disparition des manteaux neigeux les réserves d’eau douce vont disparaitre à leur tour,
  • La surpopulation va entrainer une surconsommation de l’eau virtuelle. Le stress hydrique et la pollution des eaux ne feront que croître.

Les Pandémies

Les pandémies dans les temps anciens se limitaient à l’Asie, le Moyen-Orient, l’Afrique, le Bassin méditerranéen…

Les moyens de transports modernes, rapides et massifs, constituent un moyen très efficace pour la propagation de maladies catastrophiques à l’échelle planétaire. Les énormes bassins de population asiatique et africaine constituent des réservoirs inépuisables de pathogènes. En outre, la fonte du permafrost sibérien va relâcher des quantités importantes de virus, mégalovirus et autres pathogènes bactériens aux pouvoirs infectieux insoupçonnés. Il y a bientôt 100 ans, la pandémie baptisée « grippe espagnole » aurait fait 100 millions de morts, mais qu’aurait-elle fait avec les moyens de communication actuels ?

Les points de non-retour

Fixés par le GIEC (groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat), les 2 °C de hausse moyenne de température à ne pas dépasser sous risque « d’un non-retour irréversible » caractérisé par :

  • La fonte de la calotte glaciaire du Groenland,
  • Le rejet d’immenses quantités de méthane emmagasiné dans le permafrost arctique,
  • La disparition des forêts amazoniennes, portoricaines et indonésiennes

ne seront pas respectés, pire, la hausse prévue atteindra 4 voire 6 °C.

Dés lors, la Terre sera hors de contrôle et deviendra un enfer !!!!

Avec pour conséquences : incendies non maitrisables, vagues de chaleur suffocantes, perte des récoltes et famines, éradication des forêts transformées en savanes, stress hydrique et hausse dramatique du niveau de la mer avec déplacement massif des populations insulaires et littorales…

Alors que faire ?

5 propositions ont été émises par le professeur Stephen Emmot :

  • L’énergie verte,
  • Le nucléaire,
  • La désalinisation,
  • La géo-ingénierie,
  • Une seconde révolution verte.

Or, pour différentes raisons politico-économiques et techniques il est déjà trop tard, ce changement immédiat, à réaliser dans l’urgence, ne se fera pas !

Il y a 26 siècles Pythagore disait : « La vérité est dans le nombre ».

Un enfant de la classe de sixième serait effaré par les nombres qui illustrent ce texte (non exhaustif).

Inutile de les citer, mais la plupart des dirigeants des Etats les plus puissants de la planète, non seulement n’ont rien compris, mais ont engagé leur pays et l’ensemble du monde dans une politique économique quasi suicidaire qui conduira rapidement à des guerres civiles planétaires et à une auto extinction de l’humanité. Notons que la plupart des pays font des recherches sur les guerres bactériologique et agrobiologique (disséminer des pathogènes par voie aérienne sur les immenses monocultures de blé, riz, maïs…).

La Relation proie-prédateur.

Et pourtant, de Sumer à EINSTEIN, quelle fantastique évolution que celle de l’homme, mais bâtie avec un esprit de conquête basé sur une loi universelle : la relation proie-prédateur. Nous sommes tous une proie ou un prédateur pour les autres.

Alors que nous dépensons des milliards pour aller sur la Lune ou sur Mars et que les entreprises GAFA accumulent des bénéfices gigantesques supérieurs aux budgets des Etats, nous sommes atteints de cécité à l’égard de la moitié de l’humanité qui meurt de soif et de faim et qui, inévitablement, migrera, pacifiquement ou non, vers les pays riches qui ne manquent de rien !

L’Histoire se lit dans les deux sens, connaître le passé permet de prévoir l’avenir : aurions-nous oublié les mouvements migratoires des populations germaniques, hunniques et autres, à partir de l’arrivée des Huns dans l’Est de l’Europe centrale, aux environs de 375, jusqu’à celles des Lombards en Italie en 568 et des Slaves dans l’Empire romain d’Orient en 577, avec leur cortège de violences inouïes ?

Tout Amour étant exclu dès le départ, l’homme ne pourra jamais s’affranchir de son cerveau animal, de son cerveau reptilien, celui qui lui a permis de survivre, et c’est sur un chemin de sang qu’il se dirige vers une forme curieuse de compréhension de l’Univers immédiat qui l’entoure.

Il est génétiquement incapable d’accomplir la mutation nécessaire à sa survie heureuse : celle de l’Amour avec un grand A : il en a eu l’idée, mais il ne l’a pas faite, il ne la fait pas et ne la fera pas, car il n’est pas programmé pour !

Il est donc, malheureusement, l’un des nombreux culs de sac de l’Evolution d’un Univers où tout est basé sur la relation proie-prédateur. A moins que l’homme actuel, capable de décrypter les secrets intimes du Monde, grâce aux outils stupéfiants de la Relativité et de la Mécanique Quantique, ne soit en fait qu’un intermédiaire entre l’Homo erectus et les futurs robots intelligents qu’il est en train de créer, capables de se reproduire, de se réparer, qui n’auront ni faim, ni soif et pourront partir, sans craindre les radiations, à la conquête des espaces intergalactiques et oublieront les êtres humains biologiques, aussi intelligents que stupides qui les ont créés.

En conclusion, le professeur Stephen Emmot a cette formule lapidaire désabusée et désespérée : nous sommes foutus !

(À lire absolument : « 10 milliards », Stephen Emmot, Fayard 2014)

Alors, dites-moi ou donc trouver une lueur d’espoir ?

Ce serait faire preuve d’un humour hypocrite et de mauvais aloi que de souhaiter, selon la formule consacrée « une bonne et heureuse année 2021 ! ».

Laissons donc les Parques agir selon leur bon vouloir, elles qui, dans la mythologie romaine, étaient les divinités maîtresses de la destinée humaine, de la naissance à la mort, fileuses mesurant la vie des personnes et tranchant leur destin.

Philippe Jean Coulomb